de la nécessité d'une ingéniérie de concertation pour une adéquation sociétale

14/02/2014 15:55

De la nécessité d’une « ingénierie de concertation » pour une adéquation sociétale
par Gilbert GOUVERNEUR

De nombreux outils sont disponibles pour l’expression du citoyen responsable : panels de citoyens, états généraux, forum multi-acteurs, jury de citoyens, publiforum, rencontres délibératives, ainsi que comité consultatif de citoyens, focus group, forum participatif via l’Internet, sondage d’opinion,
comité consultatif de citoyens, focus group, forum participatif via l’Internet, sondage d’opinion… Il faut s’en réjouir.
Chacun d’eux possède des caractéristiques propres facilitant une application en situation particulière. Il est donc important de savoir choisir celui qui est adapté à un territoire et à la problématique.

Cette adéquation est essentielle: Pour le décideur politique qui met en scène une « concertation », une « consultation » ou une « participation » du grand public, il est essentiel que soit abordé toutes les dimensions de la problématique qu’il veut éclairer, sans formater les enjeux a priori, selon une investigation conforme à la réalité des parties prenantes concernées. Cette pratique ajustée peut permettre l’émergence d’un nouveau type de légitimité démocratique, reposant sur l’impartialité et la justesse des procédures de prise de décisions publiques, plus que sur le simple vote (Blondiaux 2004).

Nous échouons à profiter tous ces outils du fait, me semble-t-il, d’un usage un peu trop systématique d’ « outils commodes » : c’est notamment le cas du débat public sur l’Internet, dont la prolifération aboutit à le considérer comme méthode exclusive de gestion de la gouvernance des problématiques sociétales.
Certes, l’outil « débat public sur l’Internet » est facile à mettre en œuvre; mais justement, cette facilité met un frein considérable sur le potentiel d’interception, de restitution et d’interprétation de l’information ( expression libre des besoins légitimes du citoyen ) susceptible d’être contenue dans la méthode ad hoc de gestion de la gouvernance.

Attention à ne pas réduire le public… et la complexité
Le débat public sur internet ne permet pas à tous de participer : les problèmes connus de l’illettrisme ne favorisent pas l’expression des personnes en grande difficulté sociale. En créant un blocage sur les perspectives d’un développement humain, cette ressource technologique devient un contributeur d’aggravation de l’exclusion sociale (en départageant ceux qui ont acquis la communication par l’écriture de ceux qui sont dépourvus de la connaissance par la lecture). Bon nombre de personnes âgées ( 3è et 4è âge ) ne maîtrisent pas l’outil informatique ( comme matériel obligatoire à l’utilisation de ce support de communication ) dans l’exercice pratique d’une expression citoyenne. Pour ces générations d’aînés, la technique ( informatique + Internet ) tend à rendre plus complexe les rapports sociaux. Enfin, l’annonce du débat public peut passer complètement inaperçue pour une grande fraction de la population non équipée de ce support. De plus, l’intérêt de la consultation peut ne pas apparaître évident pour certains, soit à considérer que le sujet n’est pas d’ordre prioritaire dans leurs préoccupations quotidiennes ( emploi, santé, argent),

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Prendre en compte les visions et représentations des acteurs concernés.
Le débat public sur l’Internet ne prend pas en compte l’énoncé même du problème par le citoyen. Or, il est important de ne pas perdre de vue que les outils sociaux s’ils permettent de recueillir des avis et de l’information, modèlent aussi les contours du débat et cisèlent en amont les types de réponses possibles. Dans ce cadre, et en amont des débats, on peut envisager de confronter les discours exploratoires des membres de la communauté des sciences humaines et des sciences sociales (sociologues, ethnologues, philosophes, urbanistes) à ceux des membres de la communauté des sciences dures – sciences naturelles et sciences formelles - ( médecin, juriste, etc.…) et des acteurs représentatifs de la société civile, notamment des ONG.
A la consultation légitime ( examen des lieux ) proposée par le décideur ( maître d’ouvrage ) sur une problématique sociétale ( l’ouvrage ), l’approche participative ( maître d’œuvre ) doit permettre l’apport substantiel des réponses citoyennes ( diagnostic ) par le grand public dans le processus de décision politique ( liste des travaux à entreprendre ).

Pour une ingénierie de concertation sociétale
Je plaide pour la mise en place d’une « ingénierie de concertation sociétale » pour déterminer l’outil ajusté à la problématique à traiter. Des grilles d’analyse sont nécessaires pour déterminer les champs pluridisciplinaires que l’on veut explorer, avec quelles finalités et quelles articulations avec la décision publique.
Aborder l’idée de la création et la mise en place d’une ingénierie de concertation sociétale revient à ouvrir préalablement une « boîte à débats et à réflexion » sur les méthodes de gouvernance et de participation du citoyen à la vie publique et aux choix majeurs de société (énergie, agriculture, santé, alimentation…)

Une interrogation légitime porte sur le niveau de participation des citoyens : participation à la perception du problème, au rassemblement de l’information objective, à la réflexion collective, à la prévision pour réduire l’incertitude dans l’application du principe de précaution, à l’élaboration du projet, à la planification de la démarche, aux décisions qui déterminent les choix, à la réalisation, au bilan pour mesurer les écarts entre prévision et exécution, aux décisions collectives.

Cette implication réflexive des populations au sein des processus d’innovation pour apporter des évaluations en matière de transparence (des actions et des décisions), de bénéfices (intérêt général), d’éthique, constitue un atout pour des politiques durables et robustes.
Elle permet de (re)placer l’homme au centre des préoccupations dans les choix politiques afin d’établir un rééquilibrage avec l’économique ( meilleure prise en compte de l’intérêt général et de l’utilité sociale ). Elle vise à considérer l’urgence à intervenir sur les problématiques et les causes de dégradation de l’environnement comme un facteur de survie de l’humanité ( éthique et responsabilité ).
Il s’agit d’un passage obligé pour mettre en œuvre  la Convention d’Aarhus,
Dans ce raisonnement cybernétique, le chemin de cohésion sociale dans la gouvernance est tracé par :
- l’ingénierie de concertation sociétale ( à constituer entièrement),
- la démocratie sanitaire,
- la contre-expertise citoyenne,
- la responsabilité environnementale,
- la justice environnementale.

L’ingénierie de concertation sociétale est le premier maillon des voies complexes de la démocratie participative et dialogique vers une « démocratie délibérative ». La formation de praticiens de cette nouvelle ingénierie sera le second maillon. Dans cette aventure humaine, il faudra encourager la recherche des « volontaires cinématiques.»